Jeudi 12 octobre de 18 h à 19 h 30

Compte rendu

ACADEMIE CLEMENTINE

 « Mémoire et Imagination »

1ère rencontre du 12/10/17 animée par Eve Depardieu

2ème rencontre prévue le 7/12/17

 

Tous mes remerciements aux personnes présentes pour leur participation intéressée et active à l’examen des notions de « mémoire » et d’ »imagination » : avec l’analyse, dans cette première approche, de ce qui les relie et les différencie.

Le choix de ce thème fait suite,

  • D’une part, à des réflexions entendues ou lues récemment, faisant le constat que nous serions en panne d’imagination, et réclamant de lui donner davantage de pouvoir dans toutes nos pensées, dans tous les domaines de la connaissance et des activités humaines,

 

  • D’autre part, aux travaux de certains philosophes, s’interrogeant de plus en plus, dans le courant du 19ème siècle jusqu’à nos jours, sur le fonctionnement de cette faculté de l’esprit, l’imagination, souvent associée au fonctionnement de la mémoire, et jusque-là maintenue dans des rôles secondaires ou comme intermédiaire entre la sensibilité et les représentations par concept, notions et principes de l’entendement et de la raison.

Comme l’exprime le philosophe Philippe GRANAROLO dans un de ses articles « cet imaginaire qui construit la réalité », publié sur le site iPhilo.fr (accès Internet gratuit) : il tente de réhabiliter l’imagination, méprisée pendant des siècles par les philosophes : cette « maîtresse d’erreur et de fausseté » pour PASCAL, cette « folle du logis », pour MALEBRANCHE. Le tort des philosophes, dit-il, a été d’opposer l’imagination à la raison, et la réalité aux mondes imaginaires : les deux conditionnent nos façons de penser, s’imbriquent dans toutes nos constructions intellectuelles et dynamisent notre créativité.

En effet, cette faculté de se représenter les êtres et les choses, les phénomènes, les situations, par images interposées entre soi et le réel, en restant plus ou moins fidèles à la réalité, a été longtemps considéré comme une activité mentale mineure, voire même comme un obstacle à éviter dans l’acquisitions de connaissances objectives universellement approuvées. Vouloir comprendre le monde, donner un sens à l’existence, au travers de rêveries, au gré de sa fantaisie, en poète plus ou moins inspiré, cela ne peut rivaliser avec le sérieux des scientifiques et des philosophes !

Mais si l’on regarde plus attentivement les différents modes de représentation à la disposition de l’esprit humain pour éveiller sa conscience et mettre en forme ses pensées, depuis la petite enfance jusqu’à l’âge adulte, il apparaît que la frontière entre le subjectif et l’objectif est bien poreuse et extensive.

A partir du 18ème siècle, l’intérêt pour le fonctionnement de l’imagination n’a cessé d’augmenter : avec les travaux des philosophes sur la conscience et l’inconscient individuel et collectif (Nietzsche, Bergson, Freud, Jung, Foucault) et sur la mémoire et l’oubli (Bergson, Ricoeur), couplés aux avancées de la recherche médicale sur les pathologies cérébrales et neuronales. Ainsi philosophes et scientifiques s’accordent aujourd’hui à reconnaître une puissance de synthèse et de création inégalable à la faculté « de se représenter au présent les choses absentes  » (cf. déjà chez Platon, la théorie de la réminiscence), au pouvoir de nourrir la pensée d’images virtuelles éventuellement objectivables.

La mémoire imaginative permet de percevoir à nouveau virtuellement des objets ou des situations déjà vus et vécus, avec une ressemblance et une vraisemblance telles que l’esprit peut s’y tromper. Comme faculté de combinaison, l’imagination peut agir sur les contenus des souvenirs en les recomposant à sa manière, pas toujours volontairement, permettant de se représenter ce que l’on n’a jamais ni vu ni vécu (rêverie ou folie, fantaisie, inspiration artistique). Enfin l’imagination créatrice déploie un formidable pouvoir de synthèse et de symbiose, d’unification entre les apports des sens, des affects, des sentiments, des croyances, des jugements, des raisonnements, pour transformer, inventer de nouvelles formes, trouver des solutions à des problèmes jusque-là non résolus, grâce au déplacement de l’angle de perception et à un déconditionnement du répétitif.

Le philosophe Gaston Bachelard (1884-1962) illustre particulièrement cette transition : Ingénieur des Télégraphes et agrégé de philosophie, son œuvre nous fait découvrir ce qui nourrit l’inconscient de toute personne éprise de science, combien « il y a d’alchimie dans la chimie… ». Il nous fait voyager dans les méandres des images et des représentations forgées par l’esprit, notamment lorsque le psychisme est travaillé, pétri de l’intérieur par une matérialité mouvante et foisonnante. Les différents modes d’expression de la matière nourrissent l’inconscient et les constructions imaginaires, mettant le psychisme en tension entre des idéaux d’immanence, rêves d’immersion et d’imprégnation, d’horizons à atteindre et de projets à réaliser, et des idéaux de transcendance, rêves d’élévation, d’envol et de sublimation : là est le secret de la tonicité de l’esprit humain. « Avant la culture, le monde a beaucoup rêvé » (Poétique de la rêverie, 1960), « il faut beaucoup rêver avant de prendre intérêt à penser » (La terre et les rêveries de la volonté, 1948).

Mais Bachelard a aussi écrit : « Commençons donc par admirer, on verra ensuite s’il faudra, par la critique, la réduction, organiser notre déception » (La poétique de l’espace, 1957).

Qu’est-ce à dire ? Est-ce que cette faculté dynamisante nous nourrirait de trop d’illusions, de rêveries restant sans lendemain ? Au quotidien qu’en faisons-nous ? Qu’y a-t-il alors de vrai, d’authentique dans les représentations imaginées que nous nous faisons de nous-mêmes et de notre relation au monde ?

Rendez-vous le 7/12/17 prochain, pour la suite de la discussion.

 

« Mémoire et imagination »

 

Nous avons le pouvoir de nous représenter le monde grâce à notre capacité de perception directe et instantanée du réel, nous pouvons décupler ces représentations grâce aux capacités de l’imagination.

Indissociables l’une de l’autre, mémoire et imagination nous livrent en différé des images-souvenirs construites plus ou moins consciemment, de manière plus ou moins réfléchies, ou bien même parfois des agencements inventés de toutes pièces.

 

Interrogeons-nous sur les pouvoirs et la pertinence de ces facultés de l’esprit : en quoi influencent-elles notre rapport au réel, changent-elles les regards que nous portons sur nos vies et notre environnement ?

De quelles métamorphoses ces mondes imaginaires sont-ils porteurs ?

 

Deux rencontres sont d’ores et déjà programmées au 4ème trimestre 2017 :

Le jeudi 12 octobre, et le jeudi 7 décembre, à 18 h

 

Rencontre animée par Eve Depardieu

Salle Polanski – Logis des Jeunes de Provence, 5, rue Mimont à Cannes.

Participation : 5 euros